Coulisses avant exposition 2014 - Vernissage 13 septembre - Hommage à l'escadron de Gironde à Vivières - Hommage aux morts de Moulin-sous-Touvent

 

 Coulisses avant exposition 2014

Centenaire - Programme des manifestations de Soissonnais 14-18

Coulisses avant ouverture exposition

 

Vernissage 13 septembre

Centenaire - Programme des manifestations de Soissonnais 14-18

exposition septembre -décembre 2014 - Vernissage

 

 

Hommage à l'escadron de Gironde à Vivières

Centenaire - Programme des manifestations de Soissonnais 14-18
Cérémonie 6 septembre 2014 - Parcy-Tigny

 
Cérémonie à Parcy-Tigny pour la rénovation du monument de la 5ème Division de Cavalerie. Hommage aux soldats allemands.

Raid à cheval, VTT, bicyclette, à pied devant le Monument aux morts de Villers-Cotterêts.

Hommage aux soldats britanniques morts aux combats du rond de la reine le 1er septembre 1914. Cimetière Guard's Grave Cemetery.

Fleurissement des tombes dans le cimetière de Vivières et cérémonie au monument de l’escadron de Gironde.

Plus de 300 personnes, à pied, à cheval ou en vélo ont rejoint le monument de Vivières.


Le programme diffusé s'intitulait Commémoration de l'incroyable odyssée de la 5e Division de Cavalerie.

Circuits commémoratifs indiquant les monuments 1914-1918 et les circuits VTT, Rando, Equestre, Cyclo, pointant notamment la tombe du lieutenant de Gironde et le monument de l'escadron de Gironde.

La fiche Mémoire des Hommes du lieutenant Eugène Marie Laurent de Gironde, mort pour la France le 10 septembre 1914 à Vivières, dans l'Aisne, précisant "blessures de guerre".

En exclusivité ici, Rémi Hébert vous propose de profiter de sa mise au point historique publiée en 2005

La fin de l’escadron de Gironde

Autopsie d’un épisode légendaire de la Grande Guerre.

Remi Hébert


Ayant eu la chance de recueillir jadis le témoignage d’un civil qui était passé sur les lieux très peu de temps après la fin des combats, nous avions été étonnés que sa description du champ de bataille ne coïncide pas avec celle que l’on peut imaginer à la lecture de l’ouvrage que René Chambre (1) a consacré aux combats du plateau de Vivières. Aussi, nous nous étions bien promis d’essayer de retracer un jour les combats de la nuit du 9 au 10 septembre 1914 . A cette fin, nous avons eu recours non seulement aux sources françaises mais également aux sources allemandes totalement ignorées par les nombreux auteurs de livres et d’articles que l’escadron de Gironde a inspirés d’une manière ininterrompue depuis maintenant 100 ans. Cette tâche s’est avérée délicate car après le long travail de recensement et d’exploitation de toutes les sources disponibles, il s’agissait ensuite de mettre en perspective tous les écrits qu’ils émanent de Français ou d’Allemands. Côté français, des difficultés majeures sont apparues . D’une part, les archives du SHD (2) sont souvent lacunaires et d’autre part, les nombreuses relations divergent fréquemment.
 

D’une manière générale, lorsque les documents ne concordaient pas et qu’elle que soit leur origine, nous avons essayé de résoudre la difficulté en les passant au crible de notre esprit critique et en privilégiant les sources émanant de personnes qui se trouvaient à proximité immédiate des lieux ou qui ont participé au combat lui-même. En se fondant sur des documents  nouveaux et en émettant des hypothèses ayant une grande probabilité de vraisemblance, nous sommes ainsi amenés à présenter sous un jour nouveau cet épisode légendaire, de manière à faire progresser la vérité historique en sachant que cette progression ne sera pas rapide ainsi que le prouve les cérémonies du centenaire au cours desquelles les participants se sont contentés de reprendre à leur compte les récits historico-lyriques de l’après guerre.


Le contexte opérationnel au 9 septembre 1914

Dans l’après-midi du 9 septembre 1914, l’heure de la retraite sonne au IXème Corps d’Armée allemand. L’ordre qui vient d’arriver prévoit que le gros de la troupe combattante ne commencera son repli que le lendemain matin alors que celui des échelons du train et des bagages doit être effectué sans délai. Cette mesure s’applique également à l’aviation du IXème Corps d’Armée, la FFA 11 (3).

La veille, le terrain occupé par  l’escadrille de la Ière Armée (la FFA 12) situé près de la ferme de Mosloy à l’Est de La Ferté-Milon, avait été repéré par des éléments de la 5ème Division de cavalerie française qui opérait derrière les lignes allemandes. Le commandant de l’artillerie de la Division voulant saisir l’aubaine « propose immédiatement de mettre en batterie et de détruire ce superbe objectif. Le but est des plus visibles, la portée, 3000 mères, excellente4 » et  bien que, « détruire ce but, serait l’affaire d’un instant5 », le général de Cornulier-Lucinière, commandant la Division de cavalerie repoussa la proposition au grand dam de ses artilleurs.

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1.René Chambre, L’escadron de Gironde, Flammarion, 1958

2.Service Historique de la Défense

3.FFA : FeldFliegerAbteilung – FFA 11 : Escadrille n° 11

4.Commandant de Cossé-Brissac. “Le raid de la 5ème Division de cavalerie sur les arrières de l’armée allemande à la bataille de l’Ourcq”

Revue de cavalerie : 1er semestre 1921

5.Comte Arnauld Doria, Une incroyable odyssée, p.20, librairie Plon, 1922

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Un détachement de cavaliers est toutefois envoyé en direction de la ferme. Mais, les pelotons sont repérés par un avion s’apprêtant à atterrir. Moteur coupé, l’équipage de l’appareil alerte des hommes au sol qui se retranchent aussitôt forçant les cavaliers français au repli avec de lourdes pertes. Une belle occasion de détruire ou de s’emparer d’une escadrille au sol vient d’être manquée.

Une autre opportunité n’allait pas tarder à se présenter à l’un des escadrons de la 5ème Division de cavalerie …

 

L’arrivée de l’escadrille n°11 sur le plateau de Vivières

A la FFA 11 , en application des ordres de retraite reçus, le capitaine von Heemskerck faisant fonction de chef d’escadrille, envoie un avion en reconnaissance pour trouver un terrain approprié au Nord de Villers-Cotterêts. Il n’y a pas de radio à bord, aussi un véhicule est envoyé pour rétablir la liaison avec l’avion et revenir rapidement à son point de départ pour informer l’escadrille du résultat de la reconnaissance.

Afin d’accélérer le départ, l’ensemble des appareils est mis en état de vol sans attendre, les tentes démontées et chargées sur des véhicules stationnés au Nord de la Ferté-Milon.

De retour, le lieutenant commandant le véhicule qui aurait dû assurer la liaison avec l’avion de reconnaissance avertit le capitaine von Heemskerk qu’une Division de cavalerie  française se trouve dans la partie Nord de la forêt de Retz et que des patrouilles ont été prises sous le feu d’éléments de cette Division. Cette information avait déjà été diffusée au sein de la 1ère Armée.

Pendant ce temps,  l’équipage de l’avion de reconnaissance attend toujours en vain son véhicule de liaison sur le terrain choisi . Comme l’heure avance et qu’un atterrissage de nuit s’avérerait fort risqué, il décide de revenir à son point de départ pour faire connaître la localisation du terrain choisi. Il s’agit d’un champ situé à l’Est de Mortefontaine en bordure de la route de Vivières à Vic, à environ 600 mètres au Sud du carrefour de la Bascule.

L’ensemble des avions, à l’exception d’un seul, immobilisé par une panne de moteur et qui fut détruit pour cette raison6, prend les airs pour rallier le site . Ils y atterrissent vers 19 heures selon les habitants de la ferme de Vaubéron située à un kilomètre de là.

Une escadrille au sol, sans logistique ni protection étant très vulnérable, la section de transport part la rejoindre afin d’éviter que les équipages armés uniquement de révolvers et de fusils ne soient faits prisonniers. Le convoi passe à Villers-Cotterêts vers 22 heures. Le chef d’escadrille par intérim qui en fait partie, est prévenu de nouveau par le capitaine commandant les cyclistes de la IIème Armée, de la présence de la cavalerie française au Nord de la localité.

Comme le danger lui parait grand, le capitaine von Heemskerk rassemble alors le détachement et l’informe de la situation . Il insiste en particulier sur la menace qui planerait sur IXème Corps d’Armée tout entier s’il était privé de moyens de reconnaissance aérienne . Compte tenu du péril encouru lors de la traversée de forêt, il prend les dispositions suivantes : une avant-garde de 25 hommes précédera de 500 mètres les véhicules roulant tous phares éteints tandis que le reste de la troupe sera intercalé entre les véhicules.

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 6.« Der Gefecht des Fliegerabteilung 11 bei Mortefontaine 1914 » du Major a.D .H-E  Heemskerck in le livre d’or de la cavalerie p.435 à 438 et R.Dahlmann, Die Schlacht vor Paris (vol 26 de la série « Schlachten des Weltkrieges » éditée par le Reichsarchiv-1928 p.222).

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Le chef d’escadrille par intérim est bien conscient que cette troupe constituée essentiellement d’hommes sélectionnés sur leur compétence technique en matière de matériel volant, n’a pas une grande valeur militaire . C’est d’ailleurs pour cette raison que l’escadrille est habituellement sous la protection permanente d’une compagnie d’infanterie . Le 9 septembre, cette protection lui fait défaut alors qu’il faut traverser de nuit une forêt signalée comme fourmillant de cavaliers français.

Fig.1 - Parcours effectué par l’escadrille du IXème Corps d’Armée allemand le 9 septembre des environs de Mareuil à ceux de Vivières

Conscient du danger,  le capitaine allemand trouve un stratagème de manière à tromper les Français quant à l’effectif du convoi : il fait pousser un « Hourra ! » long et continu dans la nuit noire et exceptionnellement silencieuse à la lisière de la forêt en quittant Villers-Cotterêts.

Ses craintes s’avèrent infondées car la marche se déroule sans incident et le convoi rejoint l’escadrille vers minuit 7.

Sur place, « Conscients de leur totale impuissance à se battre8 » et craignant fortement une attaque de la cavalerie française, les équipages se sont couchés dans des meules de blé à proximité de leurs avions pendant qu’un des équipages monte la garde.

Soulagé d’être arrivé sans encombre auprès de son escadrille, le capitaine von Heemskerck estime alors que les craintes d’attaque étaient excessives. Toutefois, comme le terrain est découvert et très visible, il fait donc entourer camions et avions d’un cordon de sentinelles .

Mais combien y avait-il d’avions et de camions sur le terrain de Vivières ? Comment le « camp » était-il organisé ?

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7.Les témoignages français indiquent que cette arrivée se fit trois heures environ après l’atterrissage des avions, soit vers 22 heures.

8.Major H-.E von Heemskerck –op.cité

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 Fig.2 - Carte des environs de Vivières (extrait de la carte d’Etat Major au 1/80.000ème)
 

Composition du parc d’aviation et organisation du terrain occupé par l’escadrille

Le nombre de véhicules (camions et véhicules légers) est vraisemblablement d’une dizaine : les chiffres issus des sources françaises oscillent entre 7 et 12.

Le nombre d’avions est lui-même incertain . Certaines sources françaises parlent de huit avions, mais sur le croquis issu du dossier Buat9 ne figurent que sept appareils tout comme sur le croquis annexé au récit du capitaine von Heemskerck (Fig.1).

Ce chiffre parait le plus plausible . L’escadrille avait en effet certes, sabordé un avion devenu inutilisable avant sa migration vers Vivières, mais elle avait été rejointe peu après son arrivée sur ce terrain par deux avions de l’escadrille n°12 . Ces appareils avaient échappé de justesse près de Vez aux tirs de cavaliers français alors qu’ils volaient à basse altitude10 . Désemparés et coupés de leur escadrille, ils s’étaient posés alors à 3 kilomètres au Nord de Vivières après y avoir remarqué la présence d’avions allemands11.

On peut donc admettre que l’escadrille n°11 après destruction d’un appareil n’en dispose plus que de cinq auxquels se sont joints les deux avions de l’escadrille n°12.

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  9.  Il illustre un compte-rendu anonyme et sans date, se trouvant dans le dossier du colonel Buat, chef de cabinet du ministre de la guerre (SHD 6N23)

10. Historique du 22ème Dragons p.41

11 .R.Dahlmann-op.cité p.298 à 299 . Cette source est confirmée dans ses grandes lignes par une lettre d’un aviateur de la FFA 12, reprise par K.Mülsam in Die Kampfe in der Luft.1915 p.160 à 161 . L’aviateur y écrit « Je rentrais vers le soir d’une reconnaissance et lorsque je voulus atterrir à l’endroit prescrit, j’ai essuyé à 400 mètres d’altitude, une vive fusillade venant de cavaliers français. J’ai pu tourner rapidement et m’échapper . Comme la nuit arrivait, j’ai atterri chez une autre escadrille ».

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On imagine aisément que le récit fait par cet aviateur à ses camarades de la FFA 11 dût achever des les convaincre du danger qui les guettait.

Photo - Gaston de Gironde

Ces appareils sont des « Aviatik »12.

Sur la composition du camp pour la nuit, outre le croquis du capitaine von Heemskerk, on ne dispose que du croquis figurant dans le dossier Buat  qui est manifestement erroné . Heureusement, d’autres éléments permettent de tenter de reconstituer la disposition d’ensemble du camp . Celle-ci est évidemment essentielle pour la compréhension du déroulement des combats de la nuit.

Ce qui n’est pas contestable c’est que les camions sont accotés à la route . Ils s’y trouvent en toute logique en file indienne, orientés vers le Nord pour reprendre la route au lendemain matin dans cette direction.

Il est certain également que les tentes n’ont pas été dressées et que le personnel volant et rampant passe la nuit à proximité immédiate des avions et des véhicules . Il n’a été procédé à aucun déchargement notable.

En revanche, le positionnement des avions pose problème . Selon le croquis du dossier Buat, les avions se sont placés en deux rangées parallèles, le nez des appareils pointé du côté de la route . En revanche, R.Chambre13 indique qu’« ils ont atterri près des draps puis, avec leurs moteurs, ils ont roulé près des autos, où les mécaniciens les ont rangées en carré sur trois côtés, le quatrième étant fermé par les voitures ». Cette dernière disposition parait plus vraisemblable que celle indiquée sur le croquis du dossier Buat . Elle correspond en effet à une sorte de camp en forme de carré propice à la défense et permettant au personnel de bivouaquer à l’intérieur d’un enclos.

Cependant, si disposition en carré il y eut, il reste à savoir comment le carré était constitué.

Deux témoignages, l’un français, l’autre allemand nous paraissent essentiels : pour sa part, l’abbé Saincir indique « que les éclaireurs constatent que le parc s’étend des deux côtés de la route14» tandis que le chef d’escadrille allemand précise que « les avions s’étaient rangés en ordre à l’Est de la route15».

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12. Biplace de reconnaissance très répandu dans les unités allemandes au début de la guerre . Cet appareil jouera un rôle important dans l’observation des positions et des activités ennemies ainsi que dans la préparation des tirs d’artillerie .(Source : Internet. Les chevaliers du ciel)

13.R.Chambre.op.cité p.52.

14.Abbé Saincir, curé de Montigny-Lengrain  à quelques kilomètres de là. Après avoir recueilli nombre de témoignages oculaires et auriculaires, il fit paraître dès décembre 1915 un récit dans "La Grande Guerre au XXème siècle" repris p 182 du bulletin de la Société Historique de Compiègne, 1929.

15. Major H-R von Heemskerck-op-cité.

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 Fig. 3 - Plan probable de la disposition des avions

 

Il parait dès lors établi que les véhicules sont garés en file indienne côté Ouest de la route tandis que les avions sont du côté Est . Le reste du récit le confirme pleinement . En revanche, la disposition des avions reste incertaine : sont-ils rangés en deux files perpendiculairement à la route à la manière du croquis Buat inversé, sont –ils disposés sur trois côtés de manière à former le dispositif en carré évoqué par R. Chambre ou rangés parallèlement à la route et au convoi automobile ?

Différents indices tirés de récits tout comme le croquis figurant dans le récit du chef d’escadrille font pencher pour cette dernière hypothèse . Nous en donnons une représentation ci-dessus dans laquelle les avions sont représentés en ligne à l’Est de la route, prêts à décoller dans cette direction (Fig.3).

L’assaut donné par l’escadron de Gironde

Le 2ème escadron du 16ème régiment de dragons, commandé par le lieutenant de Gironde appartient à la Division de cavalerie chargée d’opérer derrière les lignes allemandes . Le 9 septembre, la Division oblique vers l’Ouest en laissant deux escadrons du 22ème régiment de dragons et l’escadron de Gironde pour mener des missions d’exploration et de harcèlement.

L’escadron de Gironde se sépare donc du reste de la Division, part de Villers-Hélon à midi et reste à une vingtaine de kilomètres à l’intérieur des lignes allemandes . Son itinéraire exact a été reconstitué par A. Berthier de Sauvigny corrigeant les inexactitudes figurant dans d’autres sources françaises16. L’escadron arrive peu avant minuit à la ferme de Vaubéron . C’est là qu’il apprend la présence de l’escadrille allemande à un kilomètre environ de la ferme.

L’escadron est éreinté ; voilà 40 jours qu’il marche et se bat . Des dizaines de kilomètres ont été parcourus depuis qu’il galope sur les arrières de l’armée allemande … Plus de la moitié de l’effectif manque de sorte qu’il est réduit à moins de soixante dragons dont cinq officiers.

Fig.4 - La charge de l’escadron de Gironde d’après une gravure des années 1920

Les cavaliers souffrent beaucoup du manque de sommeil et de faim. Nombre de chevaux épuisés ont dû être abattus. Pourtant le lieutenant de Gironde prend la décision d'attaquer le camp allemand. Il ne faut pas tarder car l’obscurité de la nuit est le seul atout des dragons armés de fusils avec dix cartouches et de leur lance.

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16. A. Berthier de Sauvigny, Pages d’histoire locale p.439 et s.Imprimerie  compiègnoise

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L’attaque se fera à cheval et à pieds . Les dragons sont répartis en quatre pelotons :

l’un à cheval, commandé par le sous-lieutenant Ronin se tiendra en réserve à la râperie (point de regroupement),
Deux autres à pieds, commandés par le sous-lieutenant de Kéréllis, secondé par le sous-lieutenant de Villelume, progresseront de part et d’autre de la route en direction du Sud . A très courte distance du camp, ils tireront successivement trois salves puis attendront.
Le quatrième peloton, à cheval, commandé par le lieutenant de Gironde, secondé par le sous-lieutenant Gaudin de Villaine , doit décrire un arc de cercle afin d’aborder le camp par l’Ouest . Il interviendra dès la fin de la troisième salve.
Quel est l’objectif de ce dernier peloton ? Pour R.Chambre, il devait charger les avions et les voitures et saccager l’escadrille 17. En revanche, selon d’autres sources, le peloton devait poursuivre les fuyards18 que les trois salves successives auraient amenés à abandonner le camp.

 

Le départ de la ferme de Vaubéron se fait vers 1 h 30 et chaque peloton s’achemine vers l’objectif assigné .

Arrivés près du terrain19, les dragons à pieds sont interpellés par la sentinelle postée devant la section des pilotes . L’homme semble avoir perçu un bruit suspect et lance un « Wer da ?20 ». L’ordonnance de Kérillis tire dans la direction de la sentinelle21 . Aussitôt après résonne la première salve qui réveille précipitamment les Allemands.

La seconde salve provoque l’incendie d’un véhicule22 dont les flammes illuminent le camp. La troisième salve suit . Les Allemands, sortis de leur sommeil sont à trente pas et se mettent à tirer eux aussi. C’est alors qu’intervient le peloton de Gaudin de Villaine, de Gironde à sa tête.

R. Chambre décrit une charge toutes lances baissées23. Mais c’est maintenant au tour des Allemands qui bénéficient de la clarté provoquée par les flammes de tirer avec leurs fusils24. Le peloton à cheval s’écrase contre le mur formé par la rangée des véhicules et est quasiment anéanti. Gaudin de Villaine est tué, de Gironde tombe atteint de nombreuses balles à la tête et dans le reste du corps.

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17. R. Chambre – op.cité p.56

18. A. Doria….p.43 et J. Hétais, « Le rôle de la Cavalerie Française » p.170, librairie académique Perrin, 1919.

19. Il était alors deux heures selon les sources allemandes.

20. « Qui va là ? »

21. Il s’agissait en réalité,  du pilote Genwrich qui se serait écroulé foudroyé selon R.Chambre .En fait, il ne figure ni sur la liste des tués ni sur celle des blessés allemands.

22. Les documents Buat et un article paru dans la guerre aérienne (n°18 du 23 mars 1917) font état de trois camions à essence en feu et indiquent que les avions n’avaient pas d’essence dans leur réservoir.

23. p.68 : « Aux yeux de Kérillis, dressé sur ses coudes, s’offre une fantastique vision . Sur le fond noir de la nuit, nimbés de lumière comme sous les feux d’un projecteur, magnifiques et terribles, baignés de reflets sanglants, cavaliers et chevaux se précipitent ». Le commandant de Cossé-Brissac quant à lui, in Le raid de la 5ème Division  de cavalerie p.179 –op.cité, indique « que le peloton à cheval du lieutenant de Villaine se fit voir et attira sur lui le feu de l’ennemi » . De Cossé-Brissac, ne fait donc pas état d’une charge et cela rappelle que la mission du peloton de Gaudin semble bien avoir été en premier lieu de faire la chasse aux fuyards allemands supposés épouvantés par l’action des deux pelotons commandés par de Kérillis. De Cossé-Brissac s’appuie notamment sur les déclarations nominatives faite par quatre survivants de l’escadron.

24. Les documents allemands ne font aucunement mention d’une mitrailleuse.

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Aucun dragon du peloton ne semble être parvenu à franchir la barrière des voitures : seuls quelques chevaux démontés emportés par leur élan y arrivent. Selon R. Chambre, « certains (chevaux) blessés, couverts de sang, galopent au hasard devant eux, en zigzags, comme des fous, hennissant, se heurtant aux voitures , aux avions, renversant tout sur leur passage, semant le désordre.

Reconstituer la suite des évènements ne s’avère pas moins délicat. R. Chambre indique que de Kérillis est parvenu à rejoindre de Gironde et que le mourant, dans un souffle lui a dit : « A toi, Kérillis… Prends le commandement ! Va Vite !25 ». Il est toutefois certain que les Allemands n’ont pas compris immédiatement la stratégie française. Ainsi, le commandant de l’escadrille trouve étrange le comportement des assaillants et comme tout le monde tire dans tous les sens; il fait cesser le feu dans un premier temps. Un moment même, il se demande s’il n’a pas affaire à une formation allemande …

Ce n’est qu’en entendant crier « en avant » que ses doutes sont dissipés26.

Il est en revanche permis d’émettre de sérieux doutes quant à la présence parmi les assaillants « de sapeurs armés de la hache et de la scie articulée27 » et d’une mitrailleuse chez les assaillis.

Les sources concordent pour attester que les deux pelotons commandés par de Kérillis partent à l’assaut du camp après la destruction du peloton commandé par de Gironde.

Les Allemands rapportent que les Dragons essayent de mettre le feu aux avions à l’aide de cartouches explosives28 . R. Chambre décrit l’acharnement mis à endommager les appareils. Le chef d’escadrille fait rouvrir le feu . Partout la lutte est aussi confuse qu’acharnée et sanglante . Le feu nourri allemand occasionne de fortes pertes chez les dragons et est vraisemblablement à l’origine de l’incendie d’un camion rempli des réserves d’essence . Cet incendie met en pleine lumière les pilotes tirant couchés le long de la route qui deviennent alors d’excellentes cibles.

Auparavant, les dragons avaient repéré au milieu du convoi sur la route, la voiture dans laquelle se trouvait le poste de commandement . Non seulement, un officier de haute stature y  dirige la défense, mais il fait le coup de feu avec efficacité. Toujours selon R. Chambre, de Kérillis va chercher à le neutraliser avec quelques hommes. Il parvient seul à sa hauteur et il s’ensuit un duel singulier au terme duquel de Kérillis a l’épaule traversée d’une balle tandis que le géant germain, lui  s’est affaissé sans un mot, comme un bloc, foudroyé 29 ».

Peu après, de Kérillis est à nouveau blessé.

 

La fin des combats

Les relations de la fin de l’affrontement divergent : R.Chambre écrit que les Allemands étaient sur le point de se rendre au peloton Ronin arrivé à la rescousse, mais que leur reddition semble avoir été empêchée par la venue providentielle d’un détachement cycliste allemand arrivant « à toutes pédales » de Vivières et forçant les Français à rompre le combat .

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25. R. Chambre –op. cité p.72. Quant à lui, J. Hétais, indique que de Gironde se rapproche de Kérillis et lui dit « d’une voix basse et toujours calme : je suis blessé, prends le commandement et il tombe, mourant déjà ».

26. Major H-E von Demsterck –op.cité

27. R. Chambre –op.cité p.64 : une assertion de ce type figure dans le dossier Buat qui parle de “sapeurs munis de leurs outils et préalablement instruits s’acharnant sur les avions”.

28. Kavalleriesprengspatronen in le récit du Major H-E von Heemskerck

29.R.Chambre – op.cité p.76 et s. : le dossier Buat confirme l’essentiel

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Pour les Allemands en revanche, la retraite des Français serait la conséquence de l’attaque décidée par le chef d’escadrille afin de protéger les pilotes découverts par les lueurs de l’incendie du camion-citerne.

Que penser de ces versions divergentes de l’épilogue ?

Tout d’abord, nous exclurons l’hypothèse selon laquelle les Allemands étaient prêts à se rendre . Certes leur chef est blessé (et non tué comme l’affirment les récits français), mais l’effet de surprise passé, ils se ressaisissent . Par ailleurs, ils sont beaucoup plus nombreux et ont subi moins de pertes que leurs assaillants. En revanche quoique nous n’ayons encore trouvé de source allemande confirmant l’arrivée de cyclistes venant dégager le camp, nous considérons cette assertion comme vraisemblable . En effet, bien que l’affrontement ait sûrement été plus bref que ne le laisse supposer R. Chambre, il ne faut que peu de temps à un détachement cycliste cantonné à Vivières pour se rendre sur le champ de bataille.

Quoi qu’il en soit, les Allemands restent maître du terrain tandis que les dragons se retirent comme ils le peuvent et essayent d’échapper à la captivité.

 

La fuite des rescapés

L’escadron de Gironde est disloqué. Il n’existe plus en tant que tel.

Comme le récit de la fuite des dragons du peloton Ronin et des rescapés des combats a été fait à de multiples reprises sans altération de la vérité historique ni approximation majeure, nous nous contenterons d’évoquer très brièvement le sort des survivants de l’escadron.

Ils cherchèrent leur salut dans trois directions différentes :

 

Un premier groupe de cinq dragons (dont quatre blessés) se réfugie à la ferme de Vaubéron . Les quatre blessés sont capturés par les Allemands tandis que le dragon valide réussit à leur échapper30.
Un second groupe composé de 10 cavaliers31 et de Kéréllis est caché par les habitants de Montigny-Lengrain jusqu’à l’arrivée des troupes françaises le 12 au matin.
Le troisième groupe commandé par les sous-lieutenants Ronin et de Villelume, après avoir erré et laissé ses blessés (six ou huit selon les sources) à Hautefontaine, se retrouve à Saint-Etienne-Roilaye. Les deux officiers s’y cachent dans une cave puis tombent aux mains des Allemands après avoir blessé grièvement à la poitrine un sous-lieutenant du 3ème régiment d’artillerie de campagne 32 et deux artilleurs.
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30. L’existence de ce groupe est attesté par l’abbé Saincir op.cité p.187, par l’article de M. Menuge-Crépeaux paru dans La voix du dimanche existence est occultée par les autres sources françaises du 9 septembre 1989 et la notice écrite par M.G.Maheut à la mémoire de son beau-père, ancien du peloton de Kérillis mais son existence est occultée par les autres sources françaises.

31. Nous avons privilégié le chiffre donné par l’abbé Saincir, curé du lieu.

32.  Cet officier, W.Schlawe est l’auteur de l’historique de son régiment. Il y indique que c’est l’ouverture du feu venant d’une cave sur une colonne légère qui fut à l’origine de la curiosité des Allemands pour ladite cave où étaient les deux officiers français . Il confirme en revanche que leur reddition fut obtenue en utilisant des otages . Il ne donne aucune indication quant au sort de la douzaine (selon notre estimation corroborée par l’abbé Saincir) de dragons qui étaient avec les deux officiers à St Etienne et dont R. Chambre écrit qu’ils réussirent à se sauver à l’exception de deux qui périrent brûlés dans l’incendie de la ferme Bouland (R. Chambre op.cité p.127

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Bilan des pertes et des destructions

Les pertes humaines peuvent être estimées avec un bon degré de vraisemblance .

Côté français, l’état nominatif des hommes (officiers, sous-officiers et soldats) tués, blessés ou disparus du SHD fait état de sept tués, deux prisonniers, six blessés et vingt cinq disparus tandis que sur le monument érigé sur les lieux du combat figurent treize noms 33 :

- De Gironde et Gaudin de Villaine pour les officiers

- Créty et Porte pour les brigadiers

- Joussemet, Liverneaux, Potet, Neveux, Petit, Chaudorge, Chiffoleau, Cossonet et Dudit pour les dragons

Si l’on exclut le dragon Petit de la liste des morts34, leur nombre total est ramené à douze35 . Par ailleurs on peut estimer le nombre des blessés à plus d’une trentaine36.

Côté allemand, le combat du plateau de Vivières coûta la vie à cinq soldats . A ce chiffre, il convient d’ajouter deux blessés morts en captivité . Seuls les noms de quatre autres blessés nous est connu mais il est fort probable qu’il dût y avoir au total plus de six blessés.

Quant aux dégâts causés au matériel lui-même, les divergences sont fortes :

Pour les véhicules, les chiffres avancés oscillent entre un et trois . Les Allemands admettent que le camion-citerne était complètement inutilisable . Il faut –à notre sens- y ajouter au moins le véhicule léger dont le réservoir prit feu dès le début de l’attaque.

Mais c’est en ce qui concerne les avions que les choses les plus diverses ont été écrites . Dans leur ensemble, les sources françaises insistent sur les dégâts causés aux appareils et laissent entendre qu’ils sont détruits ou brûlés. Le chanoine Payen écrit « que six avions furent brûlés »37. Plus prudent, R. Chambre indique en note de bas de page que deux carcasses d’avions resteront dans le champ jusqu’à l’été 1915 38.

Le chef d’escadrille livre une version bien différente: « un examen des avions montra que les dégâts n’étaient pas significatifs et que l’escadrille disposait de quatre avions en état de vol pour ses missions de reconnaissance . Les câbles de tension39  coupés ou abîmés ont pu être remplacés dans le courant de la journée tandis que les surfaces portantes qui avaient reçu des impacts furent rapidement réparées.

Ainsi, pas un seul avion n’aurait été empêché de redécoller.

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33..Monument érigé le 10 septembre 1924 qui « défie l’oubli et le temps » et devant lequel des cérémonies ont toujours périodiquement lieu depuis . Une des faces (aujourd’hui disparue) du monument reprenait en épitaphe la chanson de Rolland : « Ma lance est brisée et mon écu percé , mon haubert démaillé et déchiré, je vais mourir…  mais je me suis vendu cher ».

34. En 1929, il était garde-chasse à Mortefontaine tout près de là : abbé Saincir op.cité p.187

35. Deux corps furent retrouvés en 1916 dans le fossé de la route toujours d’après la même source.

36. Une source allemande (R.Dahlmann : op.cité p.299) fait état de 25 blessés restés sur le terrain, chiffre auquel il convient d’ajouter au moins 12 blessés qui réussirent à suivre leurs camarades valides.

37. Chanoine Payen : l’âme du poilu p.99

38. R. Chambre : op.cité p.129

39. «cordes à piano» en langage de pilote.

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Avec toute la prudence qui s’impose, nous adopterons cette hypothèse. En effet, aucun témoignage local n’atteste que des avions sont restés sur le terrain, et la personne dont nous avions recueilli nous-mêmes le témoignage nous avait affirmé qu’il n’y avait aucune carcasse d’avion sur le terrain après le départ des Allemands . Au surcroit, si des avions étaient restés sur le terrain, il ne nous parait pas douteux que des photos auraient été prises, des dessins réalisés et /ou des cartes postales éditées . Or, personne n’a jamais trouvé un quelconque document de cet ordre.

Il n’est certes pas impossible que des avions inutilisables aient été emportés lors de la retraite . Mais à quoi bon ? Cette hypothèse nous parait très improbable.

Au total, même s’il n’est pas possible d’établir avec une certitude absolue le détail des dommages causés par l’escadron de Gironde à l’escadrille du IXème Corps d’Armée et à son convoi, il apparaît très vraisemblable que le parc d’aviation n’a pas subi de dégradations irréversibles alors que l’escadron de Gironde a été désintégré et a subi de lourdes pertes.

En leur temps, les hussards de Pichegru avaient réussi à s’emparer de la flotte hollandaise bloquée dans les glaces . Les dragons du lieutenant de Gironde n’ont pu rééditer un exploit de ce type : l’escadrille du IXème Corps d’Armée allemand leur a échappé.

La cavalerie n’a pu venir à bout des nouveaux engins aériens ou terrestres motorisés !

Naturellement, il reste le panache, la hardiesse, l’esprit offensif et la témérité qui a eux seuls justifient que la fin de l’escadron de Gironde demeure une légende vivante de la Grande Guerre 39.

 

Postface

Il nous paraît opportun d’indiquer le destin croisé des officiers ayant combattu sur le plateau de Vivières le 10 septembre 1914 :

Ronin passa dans l’aviation à son retour de captivité et choisit de servir dans le bombardement de nuit.  Il devint général.

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39. D’une manière chevaleresque, chacun  rendit hommage au courage de l’autre. R. Chambre par exemple, écrit que les « uniformes gris luttent avec un courage égal à celui de leurs adversaires » (cf. p.75)Quant aux Allemands, ils enterrèrent les dragons tués sur les lieux mêmes du combat . Ils déposèrent sur la tombe de Gaudin de Villaine  avec ses armes et son casque de lieutenant, une couronne de lierre . Ils placèrent une croix portant l’inscription suivante : Ici reposent huit braves Français : Le sous-lieutenant Paul Gaudin de Villaine avec sept dragons du 16ème régiment.

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Fig.5 - Inauguration du monument commémoratif de la 5e division de cavalerie

 

De Villelume, évadé d’Allemagne, opta lui aussi pour l’aviation qu’il quitta également avec le grade de général.

De Kérillis passa son brevet de pilote dès janvier 1915 et prit la tête d’escadrilles de bombardement . Son raid de représailles sur Karlsruhe souleva des vagues d’indignation en Allemagne.

Côté allemand, l’équipage Hiddessen /von der Decken de l’escadrille n°11, fut le premier à lancer des bombes sur Paris.

Dragons en reconnaissance

 

Hommage aux morts de Moulin-sous-Touvent

Centenaire - Programme des manifestations de Soissonnais 14-18

Cérémonies 20 septembre 2014 - Moulin-sous-Touvent

La journée démarra par un hommage au 278e RI à Rouge-Maison.

 

 

 

 

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